Je prends le chemin de mon rêve d'enfance [Feat. France/Rome]

Eurydice souriait alors qu’une esclave rectifiait sa chevelure après être allée se promener dans le domaine de son père comme elle en avait l’habitude.

Ce n’était pas très bien vu de la part de la fille aînée d’un roi, évidemment, de s’égayer dans les champs avec son cheval, mais son statut lui évitait d’être confronté aux reproches et aux rumeurs désagréables. Ce qui n’était pas le cas de son père qui n’avait alors qu’une hâte : la marier. Avec un peu de chance, cela pourrait lui mettre un peu de plomb dans la tête.

À force de chercher, il avait par ailleurs déniché un parti correct. C’est d’ailleurs ce mariage qu’ils allaient pouvoir célébrer lorsque les oracles le décideront.

Avec ses sœurs, elle s’était prise au jeu de tenter de savoir à quoi il pouvait bien ressembler, à peine calmées par les servantes et les chaperons. Mais ça ne servait pas à grand-chose, quelque soit l’apparence de son fiancé, elle devra faire sa vie avec.

Quand elle était enfant, sa mère lui avait parlé de cette situation, lui certifiant que l’amour viendrait à force de vivre avec cet inconnu qui sera son mari devant les dieux et les hommes.

Peut-être avait-elle raison ?

Peut-être avait-elle tort ?

C’est en tout cas ce que se répétait Eurydice alors qu’elle tentait de réparer son cœur en miettes.

Son mari avait été au-delà de tous ses espoirs, jeune, beau, intelligent… Il lui avait tout de suite plu. La cérémonie de mariage avait été trop longue pour elle qui devait garder le silence jusqu’à ce qu’elle ait la permission de parler, mais elle s’était rattrapée dès que possible. Elle avait découvert son sourire très rapidement et en avait été charmé.

Leur idylle n’était entaché que par l’absence de grossesse, mais ce n’était peut-être qu’une histoire de temps.

Puis un monstre sortit des Enfers fit parler de lui dans une province voisine. De par son statut royal, il était de son rôle d’aller le mettre hors d’état de nuire, ce qu’il fit. Ou du moins, tenta.

À l’annonce funeste du décès de son époux, Eurydice avait prié des jours et des nuits durant pour le retour d’Orphée. Elle était aveuglée par son amour pour lui, sans oublier l’enfant qui commençait à pousser dans son ventre. Pour ces deux raisons, elle alla jusqu’à passer un marché avec Hadès, le dieu des Enfers, qui se garda bien de lui dire quel serait son prix à payer.

La réapparition d’Orphée parmi les vivants fut fêté des jours et des jours mais ça ne parut pas l’affecter. Depuis son retour chez les vivants, il paraissait un peu lunatique, un peu… ailleurs. Mais Eurydice n’y voyait rien de mal, la mort avait sans doute ce genre d’effet, et puis, elle était enceinte, ce n’était pas le moment de s’inquiéter !

Ce le fut beaucoup plus lorsque des rumeurs d’adultère parvinrent à ses oreilles. Mais elle ne pouvait rien dire, c’était normal. Elle devait juste s’assurer qu’il ne la répudie pas.

Petit à petit, son rêve virait au cauchemar et Eurydice prenait douloureusement conscience qu’elle avait vendu ce qu’elle n’aurait jamais dû, contre la possession de ce qu’elle n’aura jamais.

Heureusement pour elle, Hadès la sauva de la honte de rentrer chez son père suite à sa répudiation. Mais c’était une piètre chance, comparée à la vie qui l’attendait…

Eurydice ouvrit les yeux avec paresse.

Elle ignorait depuis combien de temps elle était ici, réfugiée aux Enfers. Que ce soit quelques mois des décennies, elle en était inconsciente. Tous les jours se ressemblaient et le temps semblait avoir une autre valeur.

Les gens, ici, ne voyaient pas le cycle temporel, ils ne voyaient que leurs pêchés et le jugement qui leur était attribué. Le reste leur était égal.

Le malheur d’être la seule à être vivante parmi des morts.

Hadès ne lui rendait pas souvent visite, mais lorsqu’il le faisait, ce n’était jamais très long et ça restait assez superficiel. Les humains ne l’intéressaient pas, elle n’était là que parce qu’elle pourrait lui être utile, il en avait bien conscience. Elle aussi, d’ailleurs.

Alors, elle prenait son temps pour tout ce qu’elle faisait, ralentissant le moindre de ses gestes. Se presser ne faisait que l’ennuyer.

Oh, bien sûr, elle connaissait quelques occupations, comme les travaux d’aiguille en tout genre, de la lecture, de la musique… Mais à force, on tournait en rond.

Au moins, elle avait de très jolies tenues, c’était toujours ça…

Pour voir, elle avait même fait un chiton pour le Seigneur des lieux. Il l’avait accepté mais elle avait dû faire des manières au point que c’était un souvenir assez comique. Il l’avait emporté avec lui, mais il ne semblait jamais le porter.

Quel gros méchant.

Elle soupira en observant les rouleaux qu’elle avait déchiffré à plusieurs reprises. Allez, une fois de plus ?